Collaboration
spéciale: Keystone Press LTD (Division Canada)
Adaptation par Jean Boivin
Voici le texte...
Gilles Léveillée, a rencontré
la fiancée d'Elvis Presley, Ginger Alden, qui lui a accordé
une entrevue exclusive de quelques minutes dans sa chambre d'hôtel,
en plus de lui lire la dernière lettre qu'Elvis Presley lui avait
écrite quelques jours avant sa mort. Le contenu de cette lettre prend
une dimension toute spéciale et particulièrement émouvante
quand on considère que le dieu du rock était fauché
par la mort quelques heures plus tard. Il mentionne : “Je m'en voudrais de
ne pas remercier, un homme remarquable Henry McDonald qui m'a introduit auprès
de Ginger Alden malgré les moments difficiles qu'elle traversait”.
MEMPHIS - Toutes les chambres d'hôtel
des grandes villes de l'Amérique du Nord se ressemblent et ressemblent
à celle où je me retrouve pour quelques minutes avec Ginger
Alden, vingt ans, la fiancée d'Elvis Presley, quelques heures après
sa mort. La voix nasillarde de l'annonceur du poste de radio de Memphis
ne cesse de prononcer le nom d'Elvis. Mlle Alden ne pleure plus. Elle écoute
même presque religieusement les chansons du dieu du rock qui ne cessent
de déferler dans la petite chambre. J'interromps le silence entre
nous deux en lui posant une première question.
Malgré la mort d'Elvis, est-ce que vous vous sentez encore
sa fiancée?
Je me sens comme sa femme, comme sa
vraie femme. Je me suis toujours sentie comme sa femme. Quelle différence
y a-t-il entre femme et fiancée ? Ce sont des mots, des mots inutiles,
Je suis fatiguée de parler de tout cela.
Excusez-moi. Encore quelques questions seulement.
Vous connaissiez Elvis depuis longtemps ? Depuis plus de vingt ans ...
je t'ai vu pour la première fois, alors que j'avais Cinq ans. J'étais
une toute petite fille. Je voulais qu'il touche ma joue. Quand Je suis
devenue adolescente, j’avais d'autres idoles musicales qu'Elvis... mais,
Je l'ai rencontré vraiment pour la première fois, en novembre
l'an dernier. Il avait besoin de parler, un grand besoin de parler, et il
n'avait personne à qui parler.
Pourtant, il était entouré de beaucoup de monde?
Non, c'est faux. Il était seul. C'est l'homme le plus seul
que j'aie rencontré de toute ma vie.
C'est pour cette raison que vous l'avez
aimé?
Non. Je n'ai Jamais eu pitié de
lui. Je n'ai ressenti que de l'amour, de l'amitié et une très
grande tendresse pour cet homme. Pour moi, Elvis Presley était un
homme ordinaire avec les problèmes des hommes ordinaires, avec un
grand besoin d'aimer et une grande soif de partager sa vie, son idéal
avec quelqu'un?
Et c'était vous ce quelqu'un?
Je le crois. J'en suis sûr. Il y a des choses
qui ne trompent pas entre un homme et une femme.
Des choses comme quoi?
L'amour, l'amour, seulement l'amour. L'amour qui
ne se raconte pas, mais qui se vit, même quand des certaines de milles
nous séparent.
Vous restiez souvent avec lui?
Oui, quand nous avions besoin l'un de l'autre, Quand
nous avions besoin de parler, de nous retrouver moralement et physiquement.
Vous étiez sa fiancée?
Je suis encore sa fiancée, je le resterai
toujours. Se fiancer, c'est une promesse mutuelle de s'aimer, de s'attendre,
Et une promesse du cœur,
on ne casse pas ça, même s'il y a la mort.
Il vous avait fiancée officiellement?
Oui, dans la plus pure des traditions,
en mettant un genou par terre comme les galants hommes d'autrefois. En
me passant une bague tout simple au doigt. une bague qui disait par son
éclat ce que sa voix ne parvenait pas à dire.
Ginger Alden cesse de parler. Elle
se retourne violemment et s'en va dans la salle de bain, Je pense qu'elle
pleure. Je me sens cruel de lui poser encore des questions sur l'homme
qu'elle aimait et qu'elle vient de perdre à jamais, sur la mort d'Elvis.
Quelques-unes seulement. Je m'excuse d'avance si
je vous parais cruel, C'est vous qui avez découvert Elvis dans
la maison?
OUI, Je pense qu'il vivait encore.
Il me semble qu'il respirait. Mais il n’était plus conscient. Désespérée,
je l’ai giflé pour qu'il puisse me répondre, pour le ranimer.
Mais c'était trop tard, On ne peut rien contre la mort. Il était
si jeune...
Il avait vingt ans de plus que vous?
Oui ... et après?
Vous vouliez vous marier bientôt ?
Oui... à Noël.
Pourquoi Noël?
Parce que Noël, c'est une fête qu’on trouvait extraordinaire
tous les deux. La fête de la naissance du Christ, la fête
des enfants...
Il était resté un enfant dans son cœur?
Oui, c'est pour ça qu'il est mort...
Expliquez-moi?
La vie est dure pour les êtres
humains. Le public pense souvent que la gloire matérielle te donne
tout et te permet d'être heureux, Au contraire, elle t'emprisonne,
elle te crée des obligations et des contraintes. Et quand un homme
a un cœur d'enfant, des aspirations au bonheur toutes simples, il a mal
chaque jour de tout ce qu'il doit faire parce qu'il s'appelle Elvis Presley.
Vous auriez souhaité qu'il ne
soit pas une vedette ?
Oui et non ... parfois, oui, quand son statut de
vedette lui faisait mal. Non, quand je le voyais parmi son public. Je sentais
alors que malgré tout le reste, il ne pourrait vivre dans l'ombre.
Selon vous, pourquoi est-il mort ?
Je ne le sais pas. Il était fatigué,
très fatigué, ces derniers temps, et il était surtout
triste... trop souvent triste. Quand je le quittais pour quelques heures,
je le sentais qui s'accrochait à moi désespérément
sans le dire. Alors je lui téléphonais, très souvent.
Nous parlions des heures au téléphone.
Il vous écrivait souvent?
Il aimait m'écrire. Je ne sais pas pourquoi. Il me disait
alors des choses qu'il était trop timide pour me dire en face.
Parce qu'il avait peur d'être trop romantique.
Il vous a écrit avant sa mort?
Oui...
Pourriez- vous me lire cette lettre?
Je ne sais pas... je ne sais pas...
S'il vous plaît?
Très bien.
Et Ginger Alden m'a lu avec beaucoup de souffrance dans la voix la
lettre que nous publions dans ce reportage exclusif sur la mort d'Elvis
Presley.
LA DERNIÈRE LETTRE D’AMOUR D’ELVIS
À GINGER
Ginger, mon amour,
Je me retrouve seul dans ma chambre. cette nuit.
Et je ne réussis pas a dormir, je ne réussis jamais à
dormir avant le lever du jour. depuis quelques mois, Je n'ai pas peur de
la nuit, mais on dirait que j'ai un goût insatiable de vivre, comme
si je voulais reprendre tout le terrain perdu. J'avais besoin de te parler,
comme si tu étais là, dans ma chambre. Pour me Convaincre
que tu es là, je regarde la photo et je te parle, tout simplement
c'est suffisant pour que je ne sois plus seul.
J'ai un secret à te confier. Depuis que
tu es entrée dans ma vie, il y a quelque chose de fondamental de
changé. Je ne vois plus la vie de la même façon. Tu
me diras que tous les hommes qui sont en amour ou prétendent l'être
disent cela aux femmes. C'est vrai, c'est parce que tous les hommes se
ressemblent quand ils aiment. La femme qu'ils aiment devient l'être
le plus important. l'idéal. C'est comme si la terre tournait dans
un autre sens.
Avant de te connaître, l'an dernier, ma vie
n'avait plus de sens: ça aussi tous les hommes le disent, et ça
aussi, c'est vrai pour la plupart des hommes.
Je ne réussissais plus à reconnaître
les choses essentielles de l'inutile et du superficiel, je ne me reconnaissais
même plus. Tu m'as donné l'identité de l'homme que
je suis. Au cours de toutes nos conversations, tu m'as redonné un
nouveau sentiment envers la vie, un nouvel enthousiasme. Au début.
je me rappelle que tu me disais, avec un peu de tristesse, que tu me trouvais
désabusé, sans enthousiasme et la semaine dernière,
quand nous nous sommes vus, tu m'as dit, comme un médecin encourageant:
"C'est beau, Elvis, tout va bien, Je ne te reconnais plus. Tu as retrouvé
l'enthousiasme de tes vingt ans."
SI j'ai retrouvé cet enthousiasme, c'est
grâce à toi, à ta jeunesse, à tes vingt ans.
Il y a un an, je sentais toute la lourdeur de mes quarante ans et de mes
bêtises, de mes erreurs qui m'ont fait mal physiquement et moralement.
Depuis quelques semaines, je sens une sorte d'idéal de jeunesse
qui porte mon vieux corps. Tu vas rire... mon vieux corps... Il y a un
vieil homme que je vois souvent, ici, à Memphis, et qui me dit:
"Elvis, les Jeunes de ton époque ont vieilli trop vite, Ils ont
trop reçu. Ils ont brûlé la chandelle par les deux bouts,
sans se soucier de leur cœur, de leur âme et de leur corps."
Il y a quelques mois, je me sentais très
vieux. Le métier te révèle tout à ce point
de vue-là. Il te crache la vérité en pleine face.
Il est tellement exigeant. Maintenant, je me sens d'aplomb, prêt
il affronter les plus grands défis que ma carrière me réserve.
Je veux redevenir ce que j'ai été. Je me dis que je ne suis
pas arrivé au sommet de la montagne, comme je le pensais autrefois.
Je suis au sommet d'une montagne, et il y en a une autre beaucoup plus haute.
Et il y en aura toujours d'autres jusqu'à ma mort. J'aime mieux mourir
en tombant d'une montagne après avoir essaye de l'escalader, plutôt
que de mourir endormi au sommet.
Je sais que tu me comprends, je sais surtout que
nous nous comprenons souvent sans dire un mot. Au début de notre
amour, tu étais scandalisée par mon pessimisme, par mon
amertume face à la vie. Tu me disais: "Elvis, tu n'as pas honte,
tu es jeune, riche et beau... plein de talents, avec un corps en bonne
santé. Et tu ne cesses de te plaindre." Et j'ai eu honte. Tu as vingt
ans, tu n'as rien, et tu as tout. Ginger. Tu as surtout la faculté
d'aimer sans te poser de questions. Quand je suis devenu riche et célèbre,
j'ai désappris l'amour, et c'est long de montrer à un homme
qui perdu l'usage de ses jambes à marcher, surtout quand il a déjà
couru dans les champs. Ma chère Ginger, c'est heureux que la vie
nous ait fait nous rencontrer. Dans ma vie, j'ai rencontré des tas
de femmes, trop peut-être et pas assez peut-être. Trop, parce
que j'en suis resté avec une image fausse et pas assez, parce que
je n'avais pas encore su trouver celle qui correspondait à moi, trouver
celle qui m'aimait, que j'aime.
Parce que c'est important d'aimer. Beaucoup de
femmes m'ont aimé, et moi, j'ai été avare de mon
amour, inconsciemment. C'est moins forçant de se laisser aimer,
sans aimer soi-même. On ne risque rien, on ne s'engage pas et ça
flatte notre orgueil. On conserve notre liberté de cœur et d'esprit.
Pourquoi n'ai-je pas aimé vraiment avant toi?
Parce que je me défendais contre un mystérieux
ennemi. Tu n'es pas mon ennemi, tu es mon amie, Tu pourrais être
ma mère que j'ai perdue, tu pourrais être tous mes amis à
la fois, et surtout tu peux être toutes les femmes à la fois.
Je me sens petit parfois face à ta puissance, parce que tu es sûre
de toi. Moi, je ne suis pas sûr de moi. Je joue les forts, les puissants.
Je t’ai écrit une chanson toute simple, avec un air très
romantique, très fleur bleue, comme les chansonniers américains
en écrivaient à leurs amours, au temps du western. Je me mettrai
un chapeau de cow-boy pour te la chanter, à genoux. Je n'ai pas honte
de me mettre à genoux devant toi, comme Je l'ai fait quand je t'ai
demandée en mariage. Parce qu'au fond de moi, je te suppliais de
dire OUI et vite, vite.
La dernière fois que je me suis mis à
genoux, je m'en souviens comme si c'était hier. C'était pour
embrasser le front de ma mère dans son cercueil, et c'était
aussi pour prier Dieu de veiller sur elle. Depuis, je ne pouvais plus me
mettre à genoux. On m'a appris tout jeune que les hommes se tiennent
debout. Mais on peut être debout à genoux. Les hommes qui
n'ont plus de jambes marchent à genoux.
C'est bon de te parler, de savoir que tu liras
cette lettre dans quelques heures, à peine, Et tu me téléphoneras
pour me répondre. Tu n'aimes pas écrire. Tu es de la jeune
génération. Le téléphone est plus rapide, plus
efficace. Et moi, je répondrai à ton téléphone
par une autre lettre, écrite comme celle-ci, la nuit, quand j'ai
mal, si mal, de ma solitude. Dès que tu seras libre, viens me voir
à Memphis. Je veux que tu me suives partout, dans ma prochaine tournée
dans l'Est. Mes agents m'ont dit que le public m'attendait avec anxiété.
J'ai peur de ce retour devant ce public qui m'a tellement aimé autrefois.
Je suis chanceux. Je n'ai pas eu à mourir comme les grands peintres
et les grands écrivains autrefois pour être apprécié.
Il m'a suffi de chanter, de parler d'amour et de bonheur aux gens.
Nous avons beaucoup de choses à faire ensemble,
de jours à vivre ensemble et à partager. Nous serons heureux,
tous les deux. Il n'y a pas d'autre solution pour moi. J'espère
que j’aurai le temps de réaliser tous mes rêves avec toi.
Je t'aime
ELVIS
Magazine Le lundi, du 10 septembre 1977
Entrevue de Gilles Léveillée avec Priscilla Beaulieu
Adaptation par Jean Boivin
Voici le texte...
Mme Beaulieu, comment ressentez-vous la mort de votre ex-mari, Elvis
Presley?
J'ai très mal, je ne peux en dire plus long.
Pourtant, vous ne l’aviez pas vu depuis très longtemps?
Ce n'est pas important le fait de se voir souvent ou pas du tout,
après une rupture. Ce qui fait mal, c'est qu'il soit mort, qu'il
ait souffert,
c'est qu'il soit parti si jeune. Ce n'est pas juste, la vie n'est
pas juste. Je m'en rends compte de plus en plus.
Quand l'aviez-vous vu pour la dernière fois?
Je ne me souviens pas la date, je sais qu'il avait été
très gentil et que nous nous étions rappelés de bons
souvenirs ...
Quels souvenirs?
Un trente avril... un beau jour de printemps...
Pourquoi le trente avril?
C'était le jour de notre mariage. Tout était beau.
Nous étions au comble du bonheur. Et maintenant, il est mort si
jeune. Il me semble que c'est hier.
Vous regrettez le divorce et tout ce qui est arrivé après?
Non, c'était nécessaire... il fallait nous quitter,
mais je regrette que la vie nous amène à faire ces choses-là,
malgré nous souvent, à cause de toutes
sortes de circonstances incontrôlables.
Vous croyez que le divorce l'ait marqué?
Je ne comprends pas...
Vous croyez que le divorce l'ait marqué pour longtemps. l'ait
empêché d'être heureux?
Je ne sais pas. On ne divorce jamais avec plaisir. C'est la fin de
l'amour, d'un grand rêve... ça fait mal.
Comment avez-vous appris la nouvelle de sa mort ?
Par la télévision... c'est terrible. Je pleurais, je
n'y croyais pas. Je n'y crois pas encore... Il me semble que je fais un
cauchemar interminable, sans fin.
Je me dis que ce n'est pas vrai. Je suis si fatiguée de toute
cette publicité qui entoure la mort d'Elvis. Il est comme un objet
qu'on montre partout.
Il est un dieu maintenant.
Pourquoi?
Parce qu'il faut qu'on meure parfois pour que les gens réalisent
que nous souffrons.
Vous croyez qu'il souffrait?
J'en suis sûre. On ne meurt pas comme ça à quarante
ans sans souffrance morale ou physique. On se bat avant de mourir.
Vous croyez qu'Elvis avait encore le goût de vivre?
Il l'a toujours eu, même dans les années les plus noires,
les plus tristes.
Vous avez revue Lisa-Marie, récemment?
Oui, je la voyais souvent. Je suis restée sa mère.
Elle avait besoin de moi. Mais il est beaucoup trop tôt pour discuter
de cela. Il vient à peine de mourir.
Vous croyez que Lisa-Marie aura besoin de vous?
Elle a toujours eu besoin de moi, comme d'Elvis.
Au même moment. un commentateur de le N.B.C. lui demandait quels
étaient ses projets immédiats.
Retourner chez moi, avec mon mari, et prier pour Elvis... Continuer
de me battre pour être heureuse. Il le faut... c'est pour ça
que nous vivons.